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Privés d’iode
Nous autres, pauvres Sullylois, n’aurons pas droit aux comprimés d’iode distribués cette année dans le cadre de la distribution préventive 2016 pour la sécurité nucléaire. En effet, à un kilomètre près, nous ne sommes officiellement pas dans le rayon forfaitaire de 10 km entrant dans le cadre d’un PPI (Plan particulier d’intervention). Bizarrement, la commune des Bordes, pourtant un chouia plus éloignée (à vol d’oiseau ou de nuage radioactif) que Sully de la centrale nucléaire de Dampierre, est éligible au PPI et donc à la distribution de petites pastilles magiques. On est content pour les Bordiers.
À propos de centrales nucléaires (et dans « centrale », il y a « Centre » !), on lira avec profit cet article de Fabrice Nicolino, publié sur son blog (ici) après avoir été publié le 13 janvier dans Charlie Hebdo, et reproduit ci-dessous. Pour résumer, ça craint, mais il n’y a rien à craindre (le Sullylois est courageux)…
Ne rions pas (trop) du nucléaire belge
Cet article a été publié par Charlie-Hebdo le 13 janvier 2016
Savez-vous qui possède les 7 centrales nucléaires belges ? EDF en a la moitié d’une et tout le reste appartient à Engie – ex GDF Suez -, champion autoproclamé de l’écologie. Ce ne serait encore rien si les centrales belges n’étaient pas de vieilles merdes rafistolées.
Aucun doute, cette histoire belge est superbe. Certes, notre grandiose pays reste le champion du monde du nucléaire, mais la Belgique, qui produit 55 % de son électricité grâce à l’atome, est bel et bien sur le podium. Résumons la situation outre-Quiévrain, comme disent les guides touristiques et les écrivains débutants. Il existe dans le Plat Pays sept réacteurs nucléaires – 58 chez nous -, répartis entre Wallonie et Flandre. Doel, au Nord, à la frontière néerlandaise, en compte quatre. Tihange, à l’Est, du côté du Luxembourg et de l’Allemagne, trois.
Dire qu’ils merdent demeure une immense litote. Doel 1 est remis en service le 30 décembre dernier, après un arrêt en février, pour cause de vieillerie de ce pépère de 40 années. Un vote opportun du Parlement a en effet autorisé une prolongation de vie de dix ans. Décision politique, non technique. Le 2 janvier, trois jours plus tard, une panne l’arrête à nouveau. Le 4 janvier, il est relancé. Courage et confiance.
En 2012, Doel 3 est inspecté, pour le malheur des ingénieurs. On découvre un millier de défauts sur la cuve, et la note finale évoque 8 000 fissures, dont les plus grosses atteignent 18 centimètres. Arrêté en mars 2014, il repart comme un seul becquerel le 21 décembre 2015, après deux années de fermeture. Mais le 25, quatre jours plus tard, fuite d’eau et nouvel arrêt.
Doel 4 est stoppé plusieurs mois en 2014 à la suite d’un sabotage. Tihange 1redémarre le 16 septembre 2014 après un entretien. Deux jours plus tard, le 18, on stoppe les machines à cause d’une pompe d’alimentation en eau. Le 18 décembre, trois mois plus tard, incendie et panne. Tihange 2, comme Doel 3, est farci de fissures, qui entraînent la fermeture de mars 2014 à décembre 2015. Etc, car on ne sait jamais tout des faiblesses du nucléaire.
Mais cessons de rire des couillons de là-bas, car ces cochoncetés sont à la vérité françaises. EDF, notre si grande crapule, possède 50 % de Tihange 1, et tout le reste appartient à Electrabel, propriété à 100 % d’Engie, l’ancien GDF Suez. Notre défunt grand gazier national pilote donc la production électrique belge ! Côté France, les trémolos. Gérard Mestrallet, P-DG d’Engie : « Par la nature et la diversité de ses activités, [Engie] est un acteur essentiel de la transition énergétique et écologique qui doit concilier les objectifs de compétitivité, de sécurité d’approvisionnement et de préservation de l’environnement ». Et côté Belgique la pourriture accélérée des réacteurs nucléaires siglés Electrabel.
Ne pas prendre Mestrallet pour un idiot complet. Lui et ses camarades de bureau ont tout de même compris que le nucléaire belge est un boulet. Financier bien sûr, car les pannes répétées ont déjà coûté des centaines de millions d’euros à ce pauvre Engie. Mais également pour l’image de marque internationale du groupe, qui ne peut espérer incarner le « développement durable » avec une batterie de vieilles casseroles nucléaires au cul. D’où cette rumeur qui ne cesse de refaire surface : Engie aimerait bien se désengager du nucléaire belge. La solution n’a pas encore été trouvée.
La réaction des voisins du Nord et de l’Est pourrait bien accélérer le processus. Car si la France – et sa presse cadenassée par les budgets publicitaires d’EDF et Areva – s’en fout, tel n’est pas le cas des autres. Le 18 janvier, la secrétaire d’État du Luxembourg Camille Gira vient à Bruxelles rencontrer le ministre de l’Intérieur local. Le nom de ce dernier n’a rien de drôle, car il s’appelle pour de vrai Jan Jambon. Le 20 janvier, la ministre néerlandaise de l’Environnement, Mélanie Schulz, se rend à Doel en compagnie du même Jambon. Pour gueuler. Diplomatiquement.
Quant à l’Allemagne, aiguillonnée par une pétition de 200 000 signataires – Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Allemagne -, elle va plus loin encore. Barbara Hendricks, ministre de l’Environnement fédérale, vient de lâcher sur la chaîne de télévision publique ARD : « Nous redoutons que la sécurité nucléaire exigée ne soit pas entièrement assurée ». Ce qui veut dire en français vivant que ça craint. Follement.
[Mis en ligne le 2/02/2016]
Tags : nucléaire, centrale nucléaire, Dampierre, Dampierre-en-Burly, Fabrice Nicolino
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Commentaires
3FuribarMercredi 3 Février 2016 à 10:51De toutes façons, à 11 km d'une centrale qui a un "gros" problème et d'un nuage radioactif sur la ville, les pilules d'iode ça sert à que dalle
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el solognotMercredi 3 Février 2016 à 12:15
Ben ouai Fouribar ta ben entièrement raison.
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Faisons preuve de pragmatisme sur ce genre de sujet .
Pour le verre à moitié vide , on dira que les précautions sont sûrement insuffisantes pour assurer une sécurité absolue ( déchets , pollutions radioactives , militarisations ).
Pour le verre à moitié plein , on dira quand même que ça amène de l'emploi ( pas négligeable dans la période actuelle ) et beaucoup de moyens financiers pour les communes proches .
El solognot, Furibar a sûrement raison, mais la remarque de CON-tribuable est néanmoins importante. Toute activité industrielle est bonne pour l'économie et génère son pendant de risques et d'inconvénients. Où est l'équilibre ?